La participation d’un médecin libéral à un GCS ne dépend pas d’une autorisation de l’Ordre des médecins
L’approbation de la convention constitutive d’un GCS par le directeur général de l’ARS valide à elle seule la participation d’un médecin libéral à ce GCS.
La coopération d’un médecin libéral avec un établissement public de santé dans le cadre d’un groupement de coopération sanitaire constitué entre eux et par conséquent sur un autre site que celui de son activité libérale principale pourrait s’analyser comme l’exercice de son activité professionnelle « sur un site distinct de sa résidence professionnelle habituelle » au sens de l’article R. 4127-85 du code de la santé publique, requérant – selon les dispositions de cet article – une autorisation ordinale.
Saisi de cette question, le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 2 mars 2020 (Conseil d’Etat, 2 mars 2020, décision n° 418219), n’a cependant pas retenu cette analyse ; considérant que l’activité exercée par un médecin libéral dans le cadre d’un groupement de coopération sanitaire dont il est membre n’entre pas dans le champ d’application des dispositions de l’article R. 4127-85 du code de la santé publique qui prévoient que l’ouverture par un médecin libéral d’un site d’exercice distinct de sa résidence professionnelle habituelle est subordonnée à l’autorisation préalable du conseil départemental de l’ordre des médecins. Une telle activité, bien qu’exercée sur un site distinct de celui de son activité libérale principale, n’a donc pas à être autorisée par l’instance ordinale.
Dans cette affaire, le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse et un cardiologue libéral ont constitué entre eux un groupement de coopération sanitaire de moyens dans le cadre duquel le praticien est appelé à exercer son activité de cardiologie interventionnelle, à raison d’une demi-journée par semaine. La convention constitutive de ce groupement a été approuvée par arrêté du directeur général de l’agence régionale de santé, conformément à l’article L. 6133-3 du code de la santé publique. Le conseil départemental de l’Ain de l’ordre des médecins a corrélativement autorisé ledit médecin à exercer au centre hospitalier en sus de son activité libérale.
Des médecins membres d’un GCS concurrent avaient formé devant le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) un recours contre la décision du conseil départemental de l’Ain. Se fondant notamment sur les dispositions de l’article R. 4187-25 du code de la santé publique encadrant l’exercice multi-sites des médecins libéraux, le CNOM a annulé la décision du conseil départemental. Saisi en première instance par le médecin cardiologue, le tribunal administratif a rejeté sa requête en annulation de la décision du CNOM, la Cour administrative d’appel de Lyon ayant ensuite, dans un arrêt du 19 décembre 2017, fait droit aux demandes en annulation du praticien.
La Cour relevait qu’exerçant en milieu hospitalier dans le cadre d’un groupement de coopération sanitaire, « le praticien participe au service public hospitalier et ne peut donc être regardé comme exerçant en clientèle privée sur un site distinct au sens de l’article R. 4127-85 du code de la santé publique » et qu’ainsi l’activité de ce praticien dans le cadre du groupement n’a pas à être autorisée par l’instance ordinale.
Saisi en cassation par le CNOM, le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 2 mars 2020, a rejeté le pourvoi et validé l’analyse de la Cour administrative d’appel de Lyon : il revient au seul directeur général de l’agence régionale de santé d’approuver la convention constitutive d’un GCS de moyens constitué entre un établissement de santé et un professionnel de santé libéral, laquelle précise notamment l’identité des membres et les conditions d’intervention des professionnels médicaux libéraux et qu’en conséquence, « l’activité exercée par un médecin libéral dans le cadre d’un tel groupement n’entre pas dans le champ d’application de l’article R. 4127-85 du code de la santé publique ».
Là où la Cour administrative d’appel de Lyon mettait en évidence que le praticien libéral participait à la mission de service public d’un centre hospitalier, et qu’il ne pouvait donc être regardé comme exerçant en clientèle privée sur un site distinct, le Conseil d’Etat, lui, n’a pas cru devoir retenir cette précision restrictive. Il s’est fondé exclusivement sur les dispositions du code de la santé publique relatives aux GCS permettant les interventions de « professionnels libéraux membres du groupement » (article L. 6133-1 3° du CSP) et selon lesquelles l’approbation de la convention constitutive d’un GCS relève de la seule compétence du directeur général de l’ARS (article L. 6133-3 du CSP). On peut penser que la décision du Conseil d’Etat aurait été identique en présence d’un GCS de droit privé dans le cadre duquel le praticien exercerait une activité libérale au sein d’un établissement de santé privé. Il serait utile toutefois qu’une décision future vienne le confirmer.
Assouplissement des conditions d’exercice multi-sites depuis le décret du 23 mai 2019.
Pour rappel, les conditions dans lesquelles un médecin peut exercer son activité sur un ou plusieurs sites distincts de sa résidence professionnelle habituelle ont été notablement allégées par le décret 2019-511 du 23 mai 2019. Selon la nouvelle version de l’article R. 4127-85 du code de la santé publique, d’une procédure d’autorisation préalable, on est désormais passé à une procédure de déclaration préalable, deux mois avant la date prévisionnelle de début d’activité, avec droit d’opposition du conseil départemental. Le conseil départemental ne peut s’y opposer que s’il constate que les obligations de qualité, sécurité et continuité des soins ne sont plus respectées ou une méconnaissance des dispositions législatives et réglementaires. Les deux conditions d’ordre démographique (carence ou insuffisance de l’offre de soins dans le secteur géographique considéré) ou technique (nécessité d’un environnement adapté, d’équipements particuliers, de techniques spécifiques ou d’une coordination de différents intervenants) précédemment exigées pour autoriser un exercice multi-sites ont désormais disparu.
Musset Avocats – Wilhelm Bénard 27 mars 2020